Le déficit constitutionnel sévère en facteur VII (FVII) de la coagulation est une pathologie hémorragique rare (fréquence de 1/300 000 en Europe), de transmission autosomique récessive, caractérisée par une très grande hétérogénéité tant sur le plan phénotypique que génotypique [Cooper et al 1997]. Le déficit se caractérise par un taux d'activité coagulante du FVII (FVII :C) inférieur aux valeurs données par un pool de plasmas normaux (valeurs habituellement comprises entre 70 et 140 %). Le caractère héréditaire du déficit ne pourra être affirmé qu'après deux examens séparés et une enquête familiale approfondie.
Le tableau clinique est extrêmement variable et la sévérité du syndrome hémorragique n'est généralement pas corrélée aux taux de FVII plasmatiques résiduels. Ainsi, il est fort difficile de définir des groupes à risque hémorragique. Généralement, seuls les patients homozygotes ou hétérozygotes composites ont un syndrome hémorragique, les patients hétérozygotes étant le plus souvent asymptomatiques même avec des taux de FVII :C compris entre 20 et 30%. Quatre types de tableaux cliniques se distinguent: (i) une forme extrêmement grave, engageant le pronostic vital, caractérisée par des hémorragies intracérébrales durant la première semaine de vie, ou les premiers mois (de 10 à 17 % des cas selon les études, prévalence plus élevée en cas de consanguinité) avec des risques de séquelles cérébrales (ii) une forme sévère hémorragique caractérisée par des hémarthroses récidivantes dont les manifestations sont identiques à celles rencontrées dans l'hémophilie sévère avec évolution possible vers une arthropathie chronique et un important délabrement articulaire (20% des cas), (iii) des formes plus modérées tardives comprenant des hémorragies cutanéo-muqueuses (épistaxis, ménorragies, gingivorragies) et/ou des complications hémorragiques post-chirurgicales (50 à 60% des cas) (iv) des formes totalement asymptomatiques chez des patients avec un taux d'activité FVII apparemment inférieur à 5%, voire dans certains cas inférieur à 1% [Mariani et al 2005]. On rapporte même des cas d'actes chirurgicaux sans traitement substitutif n'ayant entraîné aucune manifestation hémorragique [Giansily-Blaizot et al 2002; Yorke 1977; Benlakhal 2011]. Enfin, certains patients présentent paradoxalement, des thromboses intéressant les territoires veineux ou artériels. Ces thromboses peuvent être associées ou non à des manifestations hémorragiques [Marty et al 2008].
Le phénotype biologique est également hétérogène avec des déficits de type quantitatif ou le plus souvent de type qualitatif. Se surajoutant à la variation constitutionnelle, il existe une hétérogénéité artéfactuelle qui résulte d'une absence de consensus entre les différents laboratoires sur le choix de la technique et des réactifs à utiliser pour doser le taux de FVII:C. En effet, pour certains variants FVII, le dosage peut dépendre de la thromboplastine utilisée. Le variant facteur VII Padua 1 en est un exemple le plus typique avec des taux compris entre 9 et 105% selon le réactif choisi (thromboplastine respectivement d’origine lapine ou bovine) [Girolami et al., 1978]. L'utilisation d'une thromboplastine recombinante humaine ainsi qu'une sensibilisation de la technique pour les valeurs basses pourrait permettre une meilleure standardisation du dosage [Giansily-Blaizot et al 2004].
L'analyse moléculaire confirme la grande hétérogénéité génétique des déficits en FVII. Plus de 250 mutations différentes ont été répertoriées dans les banques de données et la littérature. Par ailleurs, six polymorphismes intra-géniques sont reconnus pour moduler les taux de FVII:C circulant. Leur effet peut se surajouter à celui des mutations accentuant la complexité des génotypes F7 et leur interprétation.
Polymorphismes influençant le taux de FVII plasmatique
Six polymorphismes sont connus pour moduler le taux de FVII. Quatre sont localisés au niveau du promoteur. Il s’agit de la substitution nucléotique (-402G>A) qui est associée à une augmentation des taux de FVII:C et l’haplotype (-401G>T, -323insertion de 10 nucleotides, -122T>C) qui est en rapport avec une diminution de ce taux. La substitution p.Arg413Gln (anciennement dénommée R353Q) ainsi qu'une insertion de deux adénines dans la région 3' non traduite, 155 nucléotides en aval du codon stop sont également associées à une diminution des taux de FVII:C. Les effets de ces polymorphismes ont été documentés in vivo sur de larges cohortes de sujets sains, mais également in vitro [Bernardi et al 1996, Pollack et al 1996, Hunault et al 1997, van't Hoof et al 1999, Peyvandi et al 2005].
Mutations identifiées dans le cadre du déficit constitutionnel en FVII
A l'exception de courtes délétions de 15 à 17 paires de bases, il s'agit majoritairement de mutations ponctuelles avec une forte proportion de mutations rapportées dans une seule famille. Tous les types de mutations ponctuelles sont représentés: mutations non-sens, faux-sens, mutations des sites d'épissage, délétion ou insertion ponctuelle décalant ou non le cadre de lecture. La grande majorité sont des mutations faux-sens réparties sur l'ensemble des exons, soulignant l'importance de chacun des domaines du FVII dans la fonction et la cohésion de la molécule. De rares cas de larges délétions du gène F7 ont été décrits [Hewitt et al 2005, Giansily-Blaizot et al 2007].
Le traitement et la prise en charge des patients porteurs d'un déficit en FVII restent complexes car les groupes à risque hémorragique sont mal définis (Yorke et al 1977 ; Giansily-Blaizot et al 2002). En effet, les indications du traitement ne sont pas clairement établies en situation préopératoire ou obstétricale. Ces patients reçoivent donc souvent de principe un traitement substitutif. Plusieurs alternatives thérapeutiques sont en théorie envisageables: les concentrés de facteur VII humain plasmatiques et le FVII activé recombinant (Eptacog alfa ou Novoseven®). En cas d'indisponibilité de l'un de ces produits, le plasma frais congelé ou les fractions plasmatiques, type PPSB, peuvent être utilisés. Le PPSB. présente un inconvénient théorique avec le risque de survenue de coagulation intravasculaire disséminée ou de complications thromboemboliques [Benlakhal et al 2011; Mariani et al 2011].